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PROCLAMATION,

AU NOM DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

LAUSSAT,
PRÉFECT COLONIAL,
AUX LOUISIANAIS.

louisianais,

Votre séparation de la France marque une des époques les plus honteuses de ses Fastes, sous un Gouvernement déjà faible et corrompu, après une guerre ignominieuse et à la suite d’une paix flétrissante.

À côté d’un abandon lâche et dénaturé, vous offrîtes le constraste d’un amour, d’une fidélité et d’un courage héroïques.

Tours les cœurs Français en furent attendris, et n’en ont jamais perdu la mémoire : ils s’écrièrent alors, avec orgueil, et ils n’ont depuis cessé de répéter que leur sang coulait dans vos veines.

Aussitôt qu’ils ont eu repris leur dignité et reconquis leur gloire, par la Révolution et par une suite prodigieuse de triomphes, ils ont reporté sur vous leurs regards : vous êtes entrés dans leurs premières négociations ; ils voulaient que votre rétrocession signalât leur première Paix.

Le tems n’en était pas encore venu. Il fallait qu’un Homme parut, à qui rien de ce qui est national, grand, magnanime et juste, ne fut ni étranger, ni impossible ; qui, au talent le plus éminent des victoires, unit le talent plus rare d’en tirer et d’en fixer tous les heureux résultats ; qui commandât à la fois, par l’ascendant de son caractère, aux Ennemis la terreur, et aux Alliés la confiance ; qui, d’un génie pénétrant, apperçut les véritables intérêts de son pays, et, d’une volonté inébranlable, les embrassât ; qui fut né enfin pour rasseoir la France sur ses fondemens, la rétablir dans l’étendue entière de ses limites, et laver toutes les taches de ses Annales.

Cet Homme, il préside aujourd’hui à nos Destinées, et, dès ce moment, LOUISIANAIS, il vous répond des vôtres.

Pour qu’elles saient belles et heureuses, il suffit de seconder, sur ce sol fortuné, les prodigalités de la nature : tels sont aussi les desseins du Gouvernement Français.

Vivre en paix et en amitié avec tous vos voisins, protéger votre commerce, encourager votre culture, peupler vos déserts, accueillir et favoriser le travail et l’industrie, respecter & les propriétés et les habitudes et les opinions, rendre hommage au Culte, mettre la probité en honneur, conserver aux Lois leur empire et ne les corriger même qu’avec mesure et au flambeau de l’expérience, maintenir une police vigilante et ferme, introduire un ordre et une économie permanens dans toutes les branches de l’administration publique, resserrer chaque jour les nœuds qu’une même origine, les mêmes mœurs, les mêmes inclinations établissent entre cette Colonie et la Mère-Patrie : voilà, LOUISIANAIS, l’honorable mission dont votre CAPITAINE-GÉNÉRAL, (Le Général de Division Victor,) votre PRÉFET COLONIAL et votre COMMISSAIRE DE JUSTICE, (le citoyen aymé,) se félicitent d’être chargés au milieu de vous.

La réputation du Capitaine-général l’y a devancé : Compagnon d’armes du premier Consul, il s’en fit distinguer dès le commencement des campagnes de la fameuse armée d’Italie ; dans des jours moins brillans, il étonna Suwarow, en précipitant sa fuite ; il fut enfin l’un des Lieutenans de Bonaparte, A LA BATAILLE DE MARINGO. Mais avec ces titres qui ont illustré son nom, il vous apporte, Louisianais, le vif desir de vous le rendre cher par toutes les vertus, les soins et les travaux qui, de la part des chefs, peuvent concourir au boutique des Peuples. Son ardeur pour vos intérêts, la pureté de ses intentions, la justesse de ses vues, l’aménité et l’affabilité de son accès et de ses manières, relevant encore tant de vaillance et de lauriers militaires, lui garantissent votre affection et votre confiance.

Il vous amène de ces Troupes qui ont fait retentir la Terre jusques même sur ces rivages reculés et lointains, du bruit de leur bravoure et de leurs exploits : la Batavie, depuis la paix, a admiré leur bonne conduite et leur excellente discipline ; vous les admirerez comme elle.

Vous trouverez enfin, Louisianais, dans le Commissaire de la justice, lumières, équité, impartialité, désintéressement : il vient à vous, connu d’avance et puissamment recommandé par la renommée de ses talens, de sa proscription et de ses malheurs.

Vous vous applaudirez donc sous tous les rapports d’être redevenus Français : vous sentirez de jour en jour, davantage, le prix de ce beau titre, objet aujourd’hui d’envie sur tout le Globe.

Nous savons néanmoins, Louisianais, et nous ne voulons pas lo dissimuler, que, durant trente ans, l’Espagne, par la douceur d’un gouvernement réparateur et généreux, s’est efforcée de vous faire oublier la faute sanglante d’un Agent indigne de cette noble Nation.

Elle est l’amis étroite et fidèle de la nôtre : ce n’est pas nous qui vous inspirerons de la payer d’ingratitude. Nous tâcherons de rivaliser d’efforts bienfaisans, avec les Chefs d’élite qu’elle vous donnait.

Votre dévoument à la RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, notre commune Patrie, votre reconnaissance pour ceux qui vous y rallient et qui nous envoient, le spectacle journalier de votre prospérité crois, sante, seront, Louisianais, la récompense que nous ambitionnerons sans cesse, pour un zèle et des peines dont les seules bornes seront celles de l’accomplissement de nos devoirs et de nos vœux.

A la Nouvelle-Orléans, le 6 Germinal, An XI de la République Française.

Laussat

Par le Préfect Colonial,

L’Officier d’administration, faisant fonctions de Secrétaire,

D’augerot