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tout ce qui a été hypocrite ou violent, il faut se dégager des idées du siècle où l’on vit, et se transporter au milieu des événements et des hommes que l’on veut peindre et juger. Sans doute, il y a des principes généraux qui ont toujours leur action, parce qu’ils se rattachent à ce qui est éternellement vrai ; sans doute, il n’y pas deux morales, et le bien, en quelque temps qu’il se produise et quelques caractères qu’il affecte, commande toujours notre sympathie, comme le mal, à quelque degré qu’il s’arrête ou qu’il s’étende, doit être poursuivi de cette haine vigoureuse qu’une âme indépendante et droite ressent en présence de l’injustice et de ses excès : mais combien de faits ne changent-ils pas de portée, sans cesser d’avoir le même caractère moral, suivant les circonstances où ils se produisent, et les mœurs, les institutions, les préjugés, les habitudes de l’époque où ils se sont accomplis !

Les travaux de l’érudition du XIXe siècle ont rendu, sous ce rapport, de grands services à l’histoire. On n’a plus refait un homme ou un événement à sa fantaisie ; on a cherché pour le peindre les témoignages les plus authentiques, on a mis en scène des contemporains. Il en est résulté une plus grande vérité, et par conséquent, à la fois un intérêt plus réel et une justice plus absolue.

Certainement, les recherches ne manquent pas dans le livre de M. Marturé : mais on n’aime plus à voir un historien se substituer sans cesse aux autorités sur lesquelles il a dû appuyer son récit, et tout ramener à un même caractère. Il résulte de ce procédé une espèce de défiance instinctive pour le lecteur. Il se demande si l’histoire n’est pas un roman, et dès qu’il a pu douter de la véracité de celui qui écrit, il le suit avec moins de satisfaction, et l’écoute avec une circonspection qui diminue l’intérêt.

Le style de M. Marturé est en général correct. Il manque de souplesse et de variété. Parfois il parait un peu trop solennel, et cesse d’être en proportion avec le sujet traité. Les longues phrases font peur, et l’on éprouve toujours un certain regret de se