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Voilà le défaut capital de ce livre recommandable d’ailleurs sous plusieurs rapports. Il ne faut pas trop s’en prendre à l’auteur : la date de son ouvrage l’explique suffisamment. On sait quelle était l’agitation des esprits dans les années qui ont précédé la révolution de 1830. Tout ce qui touchait à l’histoire de France, était l’objet d’une attention passionnée, et servait plus souvent à la défense d’un parti, ou à l’attaque de ses adversaires, qu’à la démonstration de la vérité. Or, l’histoire et la vérité qui est sa lumière et sa vie, ne gagnent rien à ces procédés que l’intérêt du moment fait rechercher. Elles y prennent un caractère qui les dénature. Sans doute, il en résulte un intérêt plus vif ; l’accueil est plus enthousiaste ; mais il n’est pas de la dignité d’un écrivain de se contenter de ces triomphes de circonstance. Il y a des études et des travaux qui doivent toujours s’élever au-dessus des intérêts de parti, parce que, s’il est possible de donner satisfaction à des rancunes passagères, on est sûr d’aller se heurter dans la suite, contre des appréciations plus calmes et par conséquent plus justes et plus définitives.

L’Histoire des Comtes de Toulouse n’en est pas moins un ouvrage digne d’une attention sérieuse. C’est un récit animé d’événements considérables, c’est un tableau vivant d’une période qui met on relief toute la vie intime et publique du Midi. Des travaux postérieurs ont jeté une vive lumière sur plusieurs points obscurs ou embarrassés. Ils ont présenté dans leur simplicité, à la fois naïve et forte, des siècles que M. Marturé n’a pas toujours compris. Le moyen-âge est au premier aspect une grande confusion. Quand on l’étudie de près, les éléments qui le composent se dégagent peu à peu ; les grandes figures se détachent, les mobiles puissants qui les faisaient agir, y paraissent dans toute leur plénitude, avec cette multiplicité de ressorts qui faisaient mouvoir toutes les parties d’une société divisée, mais dont les différentes classes s’agrégeaient par des points de contact nombreux, et s’unissaient sous une forte étreinte. Voilà ce que M. Marturé n’a pas assez vu. Pour louer dignement une époque, ou lui infliger ce châtiment que l’histoire impartiale réserve infailliblement à