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nes du Languedoc, pour le travail des vignes, la moisson et la vendange. Les effets de ces émigrations, fâcheuses d’ailleurs pour la santé et la moralité des familles, exercent aussi leur influence sur les dispositions des habitants qui se transplantent plus facilement, après quelques voyages, dans la contrée où ils trouvent un climat plus doux et un travail plus lucratif. Il y a disproportion, en effet, entre le salaire que les ouvriers de la campagne retirent chez eux, et celui qu’ils peuvent trouver dans un pays plus riche. Ils ne se rendent pas compte que ce salaire plus avantageux, est largement compensé par des inconvénients, des dangers et des nécessités de nouvelle espèce : ils ne voient que la somme rémunérant une journée, et ils abandonnent ainsi facilement une terre à laquelle, d’ailleurs, il faut bien le reconnaître, ni les souvenirs, ni les liens de famille ne peuvent plus les rattacher.

La cherté des subsistances qui, pendant plusieurs années, a pesé cruellement sur les petits cultivateurs, les artisans et les ouvriers, a contribué à déplacer la population et à la jeter, soit dans les centres industriels, soit vers les grands ateliers de travaux publics. Ce déplacement ne s’est pas effectué en une seule fois. Il a été progressif : d’abord le chef de famille a tenté un nouveau moyen de subvenir à ses besoins, puis peu à peu la famille l’a suivi, dans l’ordre de l’âge ou de l’aptitude au travail.

Dans les cantons de la montagne, la transformation progressive de l’industrie a rendu la situation plus fâcheuse encore. Avant l’emploi des machines destinées à carder et à filer le coton et la laine, les fabriques de Castres, de Mazamet, de Vabre, de Bédarieux, de Lodève, fournissaient un travail assuré pendant le chômage des travaux de la terre. Les différents membres de la famille y trouvaient un salaire qui s’ajoutait utilement à celui des occupations ordinaires. Les femmes et les enfants concouraient ainsi aux dépenses communes. Les premières, plus stationnaires par leurs goûts et leurs habitudes, pouvaient ainsi plus facilement résister à des projets de déplacement. Les seconds s’accoutumaient à une vie régulière et laborieuse. Ils ne pouvaient son-