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n’est plus animé du même esprit. Ce n’est pas que les membres n’aient individuellement leur valeur et leurs vertus ; mais c’est une valeur isolée, c’est une vertu individuelle. Il est remarquable qu’au moment même où l’association appliquée à l’industrie et aux grandes entreprises, acquiert une si large extension, elle semble disparaître de son foyer véritable. À quoi tient donc cet affaiblissement de l’esprit le plus protecteur, et qui devrait être le plus vivace au sein de la société, parce qu’il est le premier besoin de l’homme ? À la corruption des mœurs, ou du moins à la confusion des rapports. Le respect, la subordination, la prévoyance, ne rattachent plus au même degré ceux qu’enferme le cercle autrefois protecteur de la famille. Le père a vu son autorité se briser en sa main, la mère n’a pas un empire de longue durée, et le désir de l’émancipation est arrivé pour les enfants, dans les idées, longtemps avant le moment où il leur est possible de le traduire en fait.

De là résulte un malaise qui se trahit par le désir de l’éloignement et de la séparation, lorsque c’est dans le rapprochement et l’union que se trouve la force. Aussi, à la première épreuve, lorsque le travail diminue ou qu’il cesse, l’épargne est trop souvent absente, et comme le chef ne veut pas voir ce que l’on souffre auprès de lui, il part pour aller, non plus à la ville voisine, mais à de grandes distances, chercher ce qui doit le faire vivre. L’absence devient longue, les rapports diminuent ; et à mesure que les enfants grandissent, ils désirent s’éloigner à leur tour. Dès lors, la famille n’existe plus réellement. Chacun va de son côté, selon son caprice ou son intérêt. On apprend à devenir égoïste, et comme on n’a plus de foyer, on n’a plus ni les affections qu’il donne, ni les avantages qu’il procure.

Il reste cependant encore quelques familles où se sont conservées ces vertus intérieures également utiles aux individus et aux agrégations. Il leur faudrait une bien grande force pour résister à l’exemple qui les environne. L’exemple a une autorité dont il est bien difficile de sonder l’étendue et de reconnaître la pro-