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cœur de rester inaccessible à ces mouvements qui condamnent et flétrissent, et,

De n’avoir pas pour eux ces haines vigoureuses,
Que doit donner le vice aux âmes généreuses ?

Tout cela sans doute, quoique émané d’un principe honorable, est mauvais parce que c’est exagéré. La vertu est l’éloignement de tout excès. Voilà la vérité que Molière a voulu mettre en relief et qu’il a exposée avec une raison si haute, avec une mesure si juste, avec une poésie éclatante et une éloquence vigoureuse auxquelles le théâtre n’a pas su atteindre depuis.

C’est le sentiment qui reste, c’est l’impression qui domine lorsqu’on a lu la traduction de Daubian. Voilà bien Molière tout entier, avec sa connaissance profonde du cœur humain, avec ses vues si justes sur la vie. L’action est suivie pas à pas ; les détails sont les mêmes. Si les personnages ont perdu leur rang à la cour, s’ils sont devenus bourgeois d’une petite ville, leur langage doit bien avoir subi quelques modifications. L’image est moins haute, le ton moins fier, la comparaison plus commune, le fond reste le même pour la pensée et pour les sentiments. Le patois a des libertés que l’imitateur a voulu conserver : il a sa vigueur native, son éclat intime dont il était dangereux de se priver, et voilà pourquoi, toutes proportions gardées, la traduction gagne d’un côté ce qu’elle semble perdre de l’autre. Il y a dans toute la comédie une verve, un entrain qui ne laissent pas un moment l’attention affaiblie ou distraite. C’est Molière traduit, mais c’est toujours Molière. Combien y a-t-il de traductions dont on puisse faire cet éloge ?

L’œuvre de Daubian, mérite d’être conservée. Elle fait regretter que des productions originales, en assez grand nombre, imprimées isolément ou laissées manuscrites par l’auteur, n’aient pas pu être réunies et publiées. Quelques personnes conservent encore dans leur mémoire ou par des copies, des ouvrages qui