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hautes régions financières ; quelques agioteurs sans moralité osèrent seuls lui demander des bénéfices illicites, obtenus à l’aide de manœuvres qui dépouillaient, en quelque sorte, leurs opérations des caractères constitutifs du prêt, et les transformaient en véritables escroqueries.

La loi du 19 décembre 1850, en autorisant l’application de la peine d’emprisonnement, a cédé évidemment à la pression de l’opinion publique, qui demandait une répression efficace contre les usuriers de profession. Elle a produit au point de vue moral un effet salutaire ; elle ne pouvait avoir et n’a eu en réalité aucune portée économique. Depuis la loi de 1807, les établissements manufacturiers, fondés presque tous sur le crédit, trouvaient comme le sol à se procurer, au taux fixé par le législateur, l’argent nécessaire pour assurer leur prospérité, et réaliser de véritables progrès.

Dès lors, ne serait-il pas dangereux de revenir, en matière de prêt, au principe absolu de la science économique, qui veut la liberté illimitée dans les transactions, de manière à ce que le prix, des choses soit le résultat libre de l’offre et de la demande ?

Il est rare que l’emprunteur agisse en pleine liberté. Le besoin et l’espoir trop souvent mal fondé de réaliser de prodigieux bénéfices, le placent presque toujours à la merci du prêteur dont il devient en quelque sorte l’esclave. Debitor servus est feneratoris, disait la loi romaine ; et cette maxime est aujourd’hui, comme elle l’était autrefois, l’expression de la vérité.

Les tendances de notre temps, le désir immodéré de faire de rapides fortunes, pour se soustraire à la dure loi du travail, cet entraînement irrésistible dont les moralistes s’alarment avec tant de raison, et qui pousse les masses à rechercher avidement les jouissances que le luxe procure, seraient de nature à décupler l’influence du prêteur, et