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Le scorpion, l’aspic aux piqûres mortelles
N’ont-ils pas sur leur corps quelques nuances belles ?

De tes stériles vœux, oh que j’aime les chants !
Que l’amour de la gloire y parle en vers touchants !
Que j’aime aussi le saule, où l’on voit ta Georgette
Ivre de souvenirs en peupler sa retraite,
Sous les cloîtres glacés, dans ces paisibles lieux,
Errer pâle, rêveuse, à pas silencieux,
Étoile sans rayons, fleur souffrante et chérie,
Que dans un seul baiser le zéphire a flétrie,
Et qui, se ranimant par un dernier effort,
Brille d’un chaste amour, puis s’éteint sans remord.

Que j’aime aussi tes nuits, ta lettre à Lamartine,
Et tes autres écrits d’une essence divine !
Mais je ne puis souffrir ces barbares auteurs
Qui sont moins tes rivaux que tes imitateurs.
Je ne lis plus leurs vers, ni ne veux les entendre :
Il faut les épéler deux fois pour les comprendre,
Ainsi n’écrivaient point nos classiques auteurs
Qu’on appelle aujourd’hui pédants ou radoteurs.
Je me nourris du miel de leurs douces paroles,
Et ne fréquente point les nouvelles écoles.
Tu nous dis quelque part que Dieu n’est qu’un vain nom,
Que la vertu n’est plus qu’un masque de bouffon,
Que l’enfer et le ciel, le vice, l’innocence,
Sur un égal niveau maintiennent la balance :
Ton cœur irrésolu, par cela seul puni,
N’en fait pas plus de cas que d’un point sur un i.

De l’irréligion tremble d’être victime,
C’est un arbre qui croit sur les bords d’un abîme.
Il ne donne jamais qu’un funeste produit ;
Le doute en est la fleur, l’athéisme le fruit.
De tes admirateurs tu reçois des couronnes ;
Je ne sais si, plus tard, l’éclat dont tu rayonnes,
Entourera ce front où, fauchés par le temps,