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Nous avons voulu concourir à ce travail de reconstitution. On ne répare jamais trop tôt ni trop complètement une injustice. La Révolution a creusé un abîme entre l’ancienne constitution française et notre état actuel. Elle a détruit ce qui restait de l’organisation avec laquelle la France avait traversé les épreuves qui ne lui ont pas été ménagées. Elle a fait une place facile à bien des erreurs, car en faussant l’opinion sur le passé, elle n’a pas permis au présent de comprendre sur les leçons qu’il donne, et de lui demander un point d’appui pour s’élancer avec plus d’ardeur et de sécurité dans les conquêtes de l’avenir.

Mais l’état de la société française à la fin du xviiie siècle était-il celui des premières années de Louis XIV ? La Fronde trouve-t-elle les mêmes éléments sociaux et politiques que la Ligue ? La féodalité est-elle après Louis XI, ce qu’elle était avant, et le régime des communes après leur annexion à la couronne, paraît-il avec les caractères que des documents nombreux signalent, à l’époque où elles se créent, et où elles vivent avec l’indépendance de petites républiques, à côté de l’autorité, ou sous la protection du seigneur ? L’histoire générale nous donne sur ces diverses époques et sur ces points particuliers, des renseignements qu’elle discute et des opinions qu’elle motive ; mais n’y a-t-il pas un intérêt profond à surprendre dans leur vie propre ces parties d’un même tout, à étudier les principes qui entrent dans leur organisation, et à voir le jeu de ces institutions sous lesquelles ont vécu heureuses et fières de nombreuses générations ? N’est-ce pas un beau spectacle, que cette évocation d’un passé dans lequel on va chercher ce qu’il avait reçu, et constater ce qu’il a transmis ? Car rien, dans la formation complexe de la société humaine ne reste isolé : il y a toujours des points de contact, au moment même où la rupture parait radicale ; et le fait qui se produit a inévitablement sa cause, ou prochaine ou éloignée, qui se révèle au milieu d’éléments divers, et jaillit sous l’œil investigateur du travailleur patient.