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C’est là ce qui a fourni à Pascal ses effrayantes réflexions sur la misère de l’homme : c’est là ce qui souvent donne le vertige à ces intelligences qui ne peuvent pas se soumettre à ignorer quelque chose, et dont l’orgueil demande sans cesse des satisfactions nouvelle. Sans doute, l’homme a pénétré bien des secrets de la nature : il s’est servi des forces qui la constituent pour augmenter son propre bien-être, ou étendre son empire ; mais peut-il dire l’essence de ce qu’il a soumis si docilement à sa volonté ? Peut-il expliquer comment ces agents qu’il a réunis et disciplinés existent, se forment, se développent ? Peut-il se rendre compte des faits les plus simples qui se passent à côté de lui ? Comment le grain confié à la terre peut-il devenir fécond ? Quel est l’agent des transformations qu’il subit, des phases à travers lesquelles il passe, des résultats divers de semences placées dans les mêmes conditions ? Est-ce qu’il n’y a pas toujours pour lui, doute, incertitude, et, pour dire le mot, ignorance ?

Et cependant l’homme ne néglige rien pour tirer parti de tous ces bienfaits de la nature. C’est de là qu’il reçoit tout ce qui est nécessaire à son existence ; et il ne pousse pas la folie jusqu’à nier ce qu’il ne petit pas comprendre, ou à dédaigner ce qu’il ne peut pas expliquer.

Or, combattre la médecine parce qu’elle se heurte sans cesse à des difficultés de ce genre, est-ce justice ? Nous savons comment notre corps est formé, nous connaissons les éléments qui entrent dans sa constitution, nous pouvons constater la pondération admirable, l’équilibre merveilleux de ses diverses parties, nous sentons naître le mouvement, nous voyons circuler la chaleur et la vie : mais tous ces mystères que nous ayons sondés, ne nous donnent pas le mot de l’énigme : ils ne nous disent pas ce que serait la science parfaite, et qui échappe sans cesse à l’Homme, parce que l’homme est une créature imparfaite et bornée ; qu’il est condamné, par sa nature même,