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de vue absolu. Il avait raison d’être sévère. Le goût ne doit jamais fléchir jusqu’à compromettre, par des ménagements, la justice de ses appréciations et l’autorité de ses jugements. Mais si, au lieu de voir, dans ces quelques pages, une œuvre de longue méditation qui donne la mesure d’un esprit, il y avait vu, ce qui était la vérité, des essais de jeune homme, des tentatives d’une imagination qui cherche sa voie et qui a besoin de s’interroger, n’aurait-il pas dû étudier, sous l’œuvre qu’il ne trouvait pas bonne, les ressources et les espérances de l’auteur ? N’y a-t-il pas, en effet, même dans les œuvres les plus faibles, quelque chose qui révèle ce que le travail ou la maturité de l’âge aurait pu les faire ?

C’est ainsi que doit être traitée la jeunesse. Que l’on donne tout d’abord sa place à l’œuvre qu’elle produit ; mais que l’on interroge ces mille traits par lesquels un homme se trahit, pour présager ou pressentir ce qu’il peut être un jour. On donne ainsi à la justice ce qu’elle réclame, et l’on entoure d’égards un esprit qu’il serait au moins imprudent de décourager.

Il n’y a pas à refaire l’œuvre de Geoffroy en fait de justice et de bon goût. Cependant il est permis d’ajouter quelques considérations.

Les élégies de M. Albert sont des imitations de Tibulle. Elles n’ont pas ce ton d’exquise délicatesse qui s’unit si bien à la force éclatante, et par lequel Tibulle se distingue de tous ses rivaux, et surtout de ses imitateurs. Mais la forme est déjà nette et accentuée. La pensée se produit facilement : elle n’est ni enveloppée d’obscurités, ni perdue dans le vague. Le sentiment n’est pas profond. C’est une jeune âme qui ne connaît le bonheur que par de vagues aspirations, et le malheur que par les plaintes des poètes qu’il a étudiés. Cependant, il y a d’heureux traits, et, à défaut de profondeur et d’éclat, on retrouve partout une certaine vérité. On sent bien que le poète