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sont jamais complètement perdues dans le monde, ont reconquis quelques-unes des vérités qui font la dignité humaine, et assurent la fécondité, de ses travaux ; après avoir placé en leur présence les peuples qui, guidés par une lumière divine, se sont avancés dans une voie tracée d’avance à leur activité et à leurs efforts, il est facile de reconnaître que si ces deux grandes phases de la vie sociale sont séparées par des différences radicales au point de vue religieux et politique, ces différences ne sont ni moins tranchées ni moins fécondes dans les créations littéraires et artistiques.

Une littérature est la vie intellectuelle d’un peuple. C’est par elle qu’il se révèle tout entier, et qu’il se manifeste avec les caractères qui constituent sa nationalité, et lui conservent à travers le temps, et malgré les changements qu’il apporte avec lui, une physionomie particulière. Il est naturel à l’homme de produire, sous l’action d’une première inspiration, certaines œuvres qui traduisent les impressions sous lesquelles vit et s’agite son âme. Si ces créations quelque belles qu’on les suppose, pour le fond ou pour la forme, quelque, parfaites qu’elles soient dans leur conception ou dans les détails de leur exécution, sont exprimées dans une langue accessible seulement à un petit nombre d’hommes, si elles se renferment dans un ordre d’idées ou de croyances, qui sont le domaine exclusif de quelques-uns, si elles ne se rattachent à aucune aspiration générale, si elles ne se dirigent pas vers un même but de progrès individuel et de moralité sociale, peut-on dire que cet ensemble, quelque harmonieux et divers qu’il soit, constitue une littérature ?

La littérature considérée au fond, c’est-à-dire dans son essence, est l’expression, embellie de la nature et de la société : considérée dans la forme, elle est la connaissance de l’ensemble des œuvres de l’esprit humain traduites dans une langue, de la vie des hommes qui les ont écrites ; et des règles sur lesquelles elles reposent.