Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 2, 1858.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 153 —

tion toujours un peu facile pour ce qui vient de loin, ces chants de guerre et ces hymnes religieux, ces expansions d’amour et ces cris de haine, nous le trouverons chez tous les peuples, si franchissant les temps, dissipant leurs ténèbres et relevant leurs ruines, nous surprenons le mouvement des esprits, et nous étudions leur effet. Il serait aussi étrange de supposer qu’une réunion d’hommes a existé sans ces manifestations individuelles, et pour ainsi dire spontanées, de la pensée et du sentiment, que de soutenir qu’il n’a pas eu de langage. L’inspiration est, dans certains cas, et pour certaines âmes, si puissante, elle devient tellement irrésistible, qu’il faut bien lui donner une expression et la conserver, au moins pour soi-même, quand on ne veut pas, ou qu’on ne peut pas songer aux autres.

Mais est-ce que cela constitue une littérature ? Des amas de pierres ne forment pas un édifice ; il faut qu’une pensée les lie, leur assigne une place, leur donne une destination. Quelques ouvrages isolés ne sont pas des monuments complets. Des bégaiements d’esprit, qui cherchent leur voie, et obéissent à un premier entraînement, ne peuvent pas aspirer à passer pour une langue harmonieuse et pure, douce et forte, énergique et séduisante, image vraie, expression profonde d’un peuple, avec ses idées et ses aspirations, avec les tendances et les passions de son âme.

Qu’on ne s’y méprenne pas. Il est facile de s’abuser dans ces jugements qui demandent une attention sérieuse et des bases parfaitement établies. Si, parce qu’une œuvre, ou un certain nombre de productions de nature différente, révèlent, à un degré quelconque, l’esprit d’un peuple et les tendances d’une Société, on croit à l’existence d’une littérature, la question n’a plus de raison d’être ; et l’on peut dire que tout peuple a une littérature. Mais si l’on donne à ce mot un sens plus large et plus vrai, s’il ne sert pas uniquement à constater un