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vent-elles préparer ? Quel bien pouvons-nous en attendre pour l’humanité ? On peut être un homme d’un commerce facile, de mœurs élégantes, d’un esprit délicat, mais on n’a ni cette sûreté de conduite, ni cette gravité morale, ni ce respect pour soi-même, qui est la première manifestation de la dignité, et la première condition de la grandeur.

Or, tout cela manque à Horace. Dans une société corrompue, et qui marchait à la dissolution, malgré les efforts multipliés que faisait un pouvoir habile pour la constituer solidement par des lois, il ne se jeta pas au devant du courant, il le suivit, en se jouant avec grâce dans des banalités philosophiques. Il semble même qu’il ait honte de la place qu’il a donnée à la sagesse dans ses odes. Il ne se croit pas permis de rester réservé, au milieu d’un peuple que le luxe dévorait, et qui cherchait dans les plaisirs, un aliment à cette activité qui ne pouvait plus s’appliquer à de grandes choses.

Sans doute, le mérite et l’éclat de ces traits nombreux que la mémoire n’oublie pas, n’en sont pas affaiblis. Ces passages sont relus avec plaisir, ils sont rappelés ou cités avec bonheur. Cette partie d’Horace a droit à nos respects ; mais elle n’est pas pour nous tout Horace ; et si le goût littéraire le plus délicat n’a rien à reprendre dans ces compositions si variées de caractère, de ton et de forme, si l’imagination y est toujours riche et féconde, si l’expression apporte avec elle l’empreinte d’une grâce ineffaçable, et de cette netteté qui est « le vernis des maîtres » ; si de piquantes observations, de graves conseils, d’austères leçons, viennent doucement reposer l’âme et lui donner comme un avant-goût de prudence et de vertu ; la sagesse n’a-t-elle pas le droit de s’indigner ; n’a-t-elle pas le devoir de protester hautement, lorsqu’elle reconnaît que la facilité de mœurs cache la négation de tout principe, que la politesse supprime tout ressort dans les âmes, que l’amour du bien devient une convention de bon goût, et que la vertu si souvent, si hautement invoquée,