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se mêlant au latin par des mots et des tournures, et en préparant cette confusion que devait rendre plus profonde l’accession des dialectes germaniques.

Dès les premières invasions, l’influence est sensible. Les monuments du ve au viiie siècle offrent un mélange informe d’où l’unité ne devait se dégager que péniblement et à la longue. Au ixe siècle, la langue vulgaire n’est plus le latin ; elle n’est pas encore le roman. Le latin devient la langue savante. Elle est parlée dans les cloîtres qui conservent pieusement et multiplient les chefs-d’œuvre de son génie. Elle est ignorée ailleurs. L’historien Richer constate qu’en 981, le duc Hugues-Capet n’entendait pas le latin.

C’est entre le ixe et le xiiie siècle que la langue vulgaire se développe, s’épure, reçoit l’article et les verbes auxiliaires, obéit à une syntaxe, à des règles sûres, et s’élève jusqu’à la poésie. C’est l’époque des troubadours et des trouvères. Le Nord et le Midi sont en présence. La royauté était depuis longtemps constituée. Elle résidait à Paris ; la cour parlait la langue des trouvères. La France entière la subit ou l’accepta. François Ier brisa les dernières résistances par l’édit qui proscrivit le latin dans les actes publics et les jugements.

De grands génies ont depuis consacré cette langue. Ils s’en sont servis comme d’un instrument docile : ils lui ont donné tous les tons, tous les caractères : ils l’ont rendue la première des langues par les chefs-d’œuvre dont ils l’ont dotée. L’ont-ils fixée d’une manière définitive ? C’est aux bons et utiles écrits, dit Montaigne en parlant du langage, à le clouer à eux. Notre littérature est, sous ce rapport, assez riche pour que nous puissions considérer la question comme jugée.


M. Maurice de Barrau communique une note sur les deux plus anciennes grammaires françaises connues.