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M. Bru, docteur en médecine, lit ensuite une pièce de vers patois intitulée : Mas prumièyros flous à la Souciétat.

L’auteur voudrait offrir quelque chose à ses confrères. Il a des fleurs, mais il n’ose les produire. Il craint qu’elles ne soient ni assez belles, ni assez riches de couleur, ni assez odorantes. Et pourtant, si elles étaient telles qu’il le désire, la jeune fille de la ville et de la campagne serait heureuse de s’en faire une guirlande, et, après son mariage, de la garder comme un doux souvenir. La grande dame les réclamerait pour sa parure ou son boudoir. Les enfants s’en empareraient pour les jeter, effeuillées et enivrantes, sous les pas d’un Dieu qui vient pacifiquement parcourir les rues de la ville. La noble patrie du gai-savoir ne les dédaignerait pas. Castres les accueillerait comme une image de celles que fit naître non loin de ses murs Adélaïde de Burlats dans ses cours d’amour. On se les disputerait pour jouir de leur fraîcheur et de leur éclat, pour s’enivrer de leur parfum.

Mais il n’a pas le droit, il le sait bien, d’aspirer à un pareil honneur. Aussi, met-il ses pauvres fleurs à l’ombre de celles de ses confrères. Un pareil voisinage les préservera. Grâce à cette protection, peut-être aura-t-il un peu plus de courage, et se hasardera-t-il à faire un inventaire complet de celles qu’il a recueillies depuis longtemps et conservées avec un soin pieux et jaloux.

Voilà, autant qu’il est possible de saisir la marche de l’inspiration poétique, le plan de cette composition où se trouvent réunis les mérites divers d’une langue qui se plie docilement à tous les caprices de la pensée, à toutes les délicatesses du sentiment, riche en images, en constructions pittoresques, en sons harmonieux. M. le docteur Bru en connaît tous les secrets et toutes les ressources. Il la manie avec facilité, prend tous les tons, sait être simple sans bassesse, énergique sans raideur, élevé sans recherche. Sa pièce de vers est une preuve de plus en faveur des ressources de toute sorte que renferme le langage méridional, lors-