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et des autres officiers qui étaient présents, et leur dit : « Je suis le général commandant en chef toutes les gardes nationales de Paris ; or Paris est la force de la France ; je suis donc le seul dispensateur des grades et récompenses. Il y a déjà trop longtemps que vous êtes ici, vous êtes une menace pour l’ordre ; je viens vous sommer de rendre vos armes. »

M. Lullier termina son discours en faisant des promesses de grade et de solde. M. le commandant Férier refusa de rendre ses armes : « L’arme, dit-il, est l’honneur du soldat ; et nous la conserverons, dussions-nous nous battre. » M. Lullier répondit qu’il comprenait cette raison et laissa aux soldats le choix entre le commandant et lui. Ils annoncèrent tous qu’ils n’abandonneraient pas leur commandant, ce qui décontenança beaucoup M. Lullier. M. le commandant Férier l’avertissant qu’il emmenait aussi une demi-batterie confiée à sa garde, le général de la garde nationale s’emporta, menaçant de livrer bataille, « cette bataille devrait-elle coûter 400, 000 hommes. » Enfin il donna jusqu’au lendemain à midi pour réfléchir ; le régiment partit à cette heure sans être inquiété.

Cette tentative, dans laquelle M. Lullier montra une grande exaltation et parla sur un ton menaçant, constitue le fait d’embauchage prévu par les lois militaires. Nous ne saurions trop louer l’attitude énergique de M. Férier, commandant du 43e, et la discipline de ce régiment, fidèle à la cause de l’ordre.

La vie officielle de M. Lullier se termina à peu près le jour de son incarcération à la Conciergerie.

Cependant son nom reparaît-encore le 14 avril, comme celui du-chef de la flottille des canonnières ; dans une lettre très-mordante, écrite en réponse à une lettre anonyme, il se plaint qu’on n’ait pas suivi ses conseils au sujet de la flottille, et décline la responsabilité de sa direction.

Furieux contre le Comité Central et contre la Commune d’avoir été prévenu par ceux qu’il voulait envoyer à Mazas, il leur fit une opposition continuelle par ses écrits et ses discours dans les réunions publiques ; il se fait arrêter par eux au club Saint-Eustache, et il est enfermé à Mazas, d’où il s’évade quelques jours après.

Dès ce moment, l’ancien général de la garde nationale rebelle se met en relation avec Versailles, par l’entremise de M. Camus, ingénieur des ponts et chaussées, et de M. le baron Duthiel de la Tuque, qui conviennent avec lui d’organiser une contre-révolution pendant cette autre période de l’existence de M. Lullier à Paris. Il s’occupa activement de son projet, espérant ainsi faire oublier sa part active dans l’insurrection du 18 mars et mettant pour condition qu’on le laisserait partir, lui et ses complices Gavier d’Abin et de Cisson, sans les inquiéter.

Deux mille francs ont été donnés par M. Camus pour solder les frais de la conspiration de M. Lullier, chef du mouvement qui devait présenter, après l’exécution, un compte évalué approximativement par M. Camus à 30, 000 fr.