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même des choses pour en mieux pénétrer les énigmes. Aussi fut-il décidé, sur l’initiative de M. le docteur Lamouroux, d’utiliser le puits de service de la place du Petit-Pont pour faire percer une petite galerie de recherche d’environ 3 mètres de long sur 2 mètres de haut et 1 m. 40 c. de large, dans la direction Est, c’est-à-dire vers le point d’où les susdits déblais remarqués avaient été extraits une première fois. Ceci fut exécuté vers la fin du mois de juillet par les soins empressés de M. le conducteur Hénault.

La galerie fut ainsi pratiquée suivant le niveau inférieur de la fouille du puits, à 6 m. 22 c. en contre-bas, du dessus du pavé actuel de la place, c’est-à-dire à la cote 29, 52. On s’arrêta à 3 mètres du point de départ : on ne pouvait aller plus loin, car on avait atteint l’égout de la rue du Petit-Pont.

Nous avons, avant tout, remarqué que le sol inférieur de cette galerie consistait en une couche d’argile fluviale un peu sableuse, bien connue à Paris sous l’appellation de terre à poisson, parce qu’elle sert aux pêcheurs à la ligne à faire des boulettes d’amorce. Cette couche présente ici et dans les environs une épaisseur de 3 m. à 3 m. 50 c. et repose sur un fonds de sable, qui est celui-là même sur lequel la Seine s’écoule.

En relevant avec soin les hauteurs des couches de terre traversées, nous avons constaté que, à partir du fond de la fouille, on avait d’abord rencontré, sur une épaisseur de 0 m. 55 c, une première couche de terre noirâtre, en partie formée de végétaux en décomposition. Immédiatement au-dessus, sur 0 m. 35 c. d’épaisseur, venait une deuxième couche de cette pseudo-tourbe, contenant cette fois des déchets de peaux ou de menus cuirs en très grande abondance. Un petit banc de sable et de gravier de 0 m. 15 c. d’épaisseur apparaissait ensuite. Enfin, au-dessus de ce sable et sur 0 m. 60 de hauteur se trouvait une autre couche de terre, noirâtre et vaseuse, se confondant avec des remblais de même teinte. À partir de cette dernière couche jusqu’au sol actuel, il n’y avait plus que des remblais et des gravois modernes.

Le 3 août, visite de cette fouille fut faite en notre présence par MM. le docteur Lamouroux et Charles Lucas, accompagnés de MM. le docteur Capitan, Salmon, d’Ault du Mesnil et Rollain, membres de la Société d’anthropologie. M. d’Ault du Mesnil, avec sa compétence toute spéciale, nous donna sur place des renseignements fort intéressants, d’un ordre scientifique tout à fait particulier, dont il voulut bien nous promettre d’adresser un résumé écrit à la Commission du Vieux Paris.

À l’issue de cette visite, sur la proposition de MM. le docteur Lamouroux et Charles Lucas, il fut décidé de poursuivre nos recherches en faisant pratiquer une deuxième galerie de 3 mètres de long en retour d’équerre sur la première, c’est-à-dire vers le nord, en longeant l’égout venant de la rue du Petit-Pont. Ce qui fut également fait et donna, comme dispositions et natures de terres traversées, les mêmes résultats que dans la première galerie.

Parmi les objets trouvés dans ces fouilles, il faut mentionner :

1o Quelques fragments de tuiles gallo-romaines de couleur blanchâtre rencontrés, dans le bas de la couche inférieure, avec des débris d’amphore, de poteries diverses, les unes rouges et vernissées, dites poteries samiennes, et les autres de couleur blanc-gris, assez minces ;

2o Un peu plus haut, dans la même couche, quelques fragments de tuiles rouges ;

3o Dans la partie supérieure de cette couche, un amas de déchets de peaux paraissant avoir été découpés avec un instrument très tranchant. Ces déchets ne sont autres que des bords de peaux ordinairement non employés ; rencontrés dans la première galerie, ils cessent de paraître à environ 0 m. 60 de l’entrée de la deuxième ;

4o Dans le bas des deux galeries, on a trouvé des bouts de pieux en chêne et en sapin, ainsi que des morceaux de planches ouvrées ;

5o Des ossements d’animaux divers, tels que cheval, bœuf, mouton, porc ou sanglier, ont été enfin recueillis dans les couches du bas, comme dans celles du haut.

Enfin, nous avons fait remplir en notre présence quatre sacs étiquetés et numérotés des échantillons des diverses natures de terres fouillées, afin de les soumettre au besoin à l’examen et à l’analyse de spécialistes compétents, savoir :

Un sac (no 1) pour la terre du bas de la première galerie ; un sac (no 2) pour la terre argileuse, dite terre à poisson, prise dans la deuxième galerie ; un sac (no 3) pour la couche de sable prise aussi dans la deuxième galerie : un sac (no 4) pour la terre noire du haut de la couche située immédiatement au-dessous du petit banc de sable, et qui contient des déchets de peaux. Ces quatre sacs, ainsi que les