Page:Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1898, 7.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gard Saint-Martin est frappant. C’est le seul ouvrage de ce genre qui soit resté sur la voie publique ; il est le témoignage d’un effort très considérable accompli dans les siècles passés, à une époque où l’eau de source était un privilège si important que, seuls, les seigneurs les plus puissants et les communautés les plus riches pouvaient l’espérer. La date de la construction est inconnue ; une plaque intéressante placée extérieurement au-dessus de la porte d’entrée fait connaître la reconstruction du bâtiment, en 1633 d’abord, puis en 1722.

Cette plaque, de 0 m. 98 c. de hauteur et de 0 m. 78 c. de large, porte l’inscription suivante :


FONS
INTER MARTINIANOS CLUNIACENSES
ET VICINOS TEMPLARIOS COMMUNITER
FLUERE SUETUS, POST ANNOS XXX
NEGLETUS ET VELUTI CONTEMPTUS
COMMUNIBUS IMPENSIS AB IPSA
SCATURIGINE ET RIVULIS STUDIO-
SISSIME INDAGATUS ET REPETITUS :
TUNC DEMUM NOBIS IPSIS FORTITER
ET ANIMOSE TANTÆ MOLI
INSISTENTIBUS NOVUS ET
PLUSQUAM PRIMÆ ELEGANTIÆ AC
NITORI REDDITUS, PRISTINUM
REPETENS OFFICIUM, NON MINUS
HONORIFICE QUAM SUMMO NOSTRO
COMODO ITERUM MANARE CŒPIT
ANNO DNI 1633
IDEM LABORES ET SUMPTUS IN COMUNI
PARITER REPETITI SUNT UT SUPRA
ANNO DNI 1722

Traduction :

Fontaine coulant d’habitude pour l’usage commun des religieux de Saint-Martin de Cluny et de leurs voisins les Templiers. Après avoir été trente ans négligée et pour ainsi dire méprisée, elle a été recherchée et revendiquée à frais communs et avec grand soin, depuis la source et les petits filets d’eau. Maintenant enfin, insistant avec force et avec l’animation que donne une telle entreprise, nous l’avons remise à neuf et ramenée plus qu’à sa première élégance et splendeur. Reprenant son ancienne destination, elle a recommencé à couler l’an du Seigneur 1633, non moins à notre honneur que pour notre commodité. Les mêmes travaux et dépenses ont été recommencés en commun, comme il est dit ci-dessus, l’an du Seigneur 1722.

De chaque côté de la porte étaient placés deux écussons dont un seul subsiste ; il est très fruste ; pourtant, l’on peut y reconnaître un saint Martin déchirant son manteau. Une pierre de la façade, placée à hauteur d’homme, porte le millésime 1804, qui est peut-être une date de réparation.

La construction est massive et extrêmement solide. L’eau arrive par un aqueduc d’une pente très accentuée — d’environ 20 centimètres par mètre — qui est atténuée par des degrés. Le débit est de vingt litres par minute ; c’est de tous les ouvrages encore existants sur l’aqueduc de Belleville celui qui produit le plus. L’eau, d’une limpidité parfaite, tombe dans une bâche qui la déverse dans l’égout de la rue des Cascades à la sortie du regard.

De ce regard partaient et suivaient la rue de Savies une pierrée pour la jonction de l’aqueduc et une conduite qui servait à alimenter une fontaine en fonte, remplacée aujourd’hui par une borne à repoussoir, à l’endroit où la rue de la Mare fait un coude en joignant la rue de Savies.

Le regard Saint-Martin est un précieux monument qui a gardé dans leur état primitif des travaux que nous avons le devoir de conserver.

Le regard des Messiers, 17, rue des Cascades, a été visité ensuite. Cet édicule se trouve dans un jardin d’agrément, il ne reçoit qu’un minime filet d’eau déversé par une conduite en poterie dans l’égout de la rue Henri-Chevreau. L’on y remarque l’inscription suivante :

REGARD des MESSIERS a été
reconstruit en novembre 1811
étant monsieur le comte Frochot
préfet du département de
la Seine.

Ensuite l’on a vu le regard de la Roquette, situé au fond d’une propriété rue de la Mare, 38, dans un milieu tout à fait pittoresque. Ce regard, duquel les religieuses de la Roquette tiraient leur eau, est cité à l’occasion des recherches que l’on dut faire après les sécheresses exceptionnelles des années 1667, 1678 et 1669, pour faire revenir dans l’aqueduc de Belleville, alors presque sec, les eaux qui y coulaient auparavant. L’on découvrit que les dames de la Roquette avaient détourné à leur profit cent cinquante lignes d’eau alors qu’il n’en restait que trente-six à la Ville.

L’on ordonna que le conduit de la Roquette fut totalement supprimé. Cette mesure radicale ne fut probablement pas exécutée, car nous trouvons dans les Registres de la Ville que, les dames de la Roquette s’étant plaintes que l’eau qu’elles tiraient par bassinet du regard de la Roquette ne leur arrivait plus, « une visite faite par le Me des œuvres de la Ville dans ledit regard lui fit constater que l’on avait