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rieurement de contreforts surélevés de près d’un mètre au-dessus de la corniche et coiffés de petits frontons triangulaires. Quant à l’époque à assigner à cette construction, on peut, sans crainte de se tromper, indiquer la fin du XVIe siècle ; elle remplaçait assurément d’anciens charniers ruinés ou devenus insuffisants, datant peut-être de l’édification de l’église Saint-Paul, c’est-à-dire du XIIIe siècle. Si l’on veut avoir une idée assez exacte de l’emplacement et de la disposition du cimetière et du charnier Saint-Paul, il suffit de consulter les anciens plans de Paris, notamment ceux de Gomboust (1652), de Turgot (1739), de Jaillot (1773) et de Verniquet (1791).

« Parmi les morts illustres qui ont reçu la sépulture dans cette nécropole, une des plus anciennes stations cimétériales de Paris, il ne faut pas oublier de citer Rabelais, inhumé sous un noyer, et Mattioli, l’homme au masque de fer, dont le souvenir légendaire n’a cessé de hanter le quartier.

« Nous pensons devoir ajouter que, de l’ancienne église Saint-Paul, remplacée depuis le Concordat par l’église des Jésuites de la rue Saint-Antoine, il ne reste plus rien aujourd’hui, sinon une baie ogivale, une de celles assurément qui éclairaient la grosse tour d’angle qui flanquait au Nord-Ouest son portail. On aperçoit encore cette baie du passage qui conduit à l’issue de la rue Saint-Paul ; elle ouvre sur la façade postérieure, c’est-à-dire sur la cour de la maison située au no 30 de cette rue.

« Immédiatement après notre première visite au passage Saint-Pierre MM. Ch. Normand, Lucien Lambeau, Tesson et moi, nous nous rendîmes tout près de là, rue Caron où nous attendait une surprise. En effet, le surveillant des travaux de l’égout, alors en construction en cet endroit, nous apprit qu’un cercueil de pierre venait d’être mis à jour par les terrassiers. Nous pûmes seulement constater ce jour-là que l’emplacement de cette découverte se trouvait situé à l’intersection de l’alignement nord des maisons de la rue d’Ormesson et la face ouest de la tranchée de l’égout. Le lendemain, 3 juin, grâce aux bons soins de M. Geng, conducteur des travaux, et de M. Douchard, piqueur, le cercueil fut transporté au musée Carnavalet, où il fut procédé à son ouverture le surlendemain, en présence de MM. Pierre Baudin, Chassaing, députés de Paris ; Lamouroux, Piperaud, conseillers municipaux ; Georges Cain, conservateur de Carnavalet ; Geng, conducteur, et Douchard, piqueur. On n’y trouva rien qu’un squelette d’homme, parfaitement conservé.

« Ce cercueil est en pierre tendre du bassin de Paris, de forme trapézoïdale et mesure 2 m. 40 c. de long extérieurement. Son couvercle, à dos-d’âne, forme deux pans réguliers et égaux, il était muni de six grands anneaux en fer. Par sa forme et la façon dont ses parements sont taillés, ce cercueil paraît enfin dater du XIIIe siècle, c’est-à-dire de l’époque où le monastère de Sainte-Catherine fut fondé. Il est présumable que le mort qu’il renfermait fut de son vivant, par le seul fait de ce luxe de sépulture, quelque personnage de distinction.

« En reportant le plan actuel des lieux sur le plan de l’état ancien, on voit que le point où ce cercueil a été trouvé correspond exactement à l’intérieur d’une chapelle, dite de Saint-Jean, située dans le transept de gauche de l’église du prieuré de Sainte-Catherine. Or, on sait que les chanoines de ce monastère l’abandonnèrent en 1767 pour aller occuper les bâtiments de la maison professe des Jésuites rue Saint-Antoine, restés vacants par suite du bannissement de ceux-ci, qui avait eu lieu peu d’années auparavant. On sait aussi que, lorsqu’il fut question, en 1783, de raser les bâtiments et l’église de l’ancien prieuré de Sainte-Catherine pour faire place au marché qui subsiste encore en cet endroit, les chanoines s’empressèrent de faire transférer dans leur nouvelle maison les tombeaux et les monuments de leur ancienne église. Ils durent donc faire enlever également des anciennes sépultures qu’ils ne purent faire transporter tout ce qu’elles contenaient de précieux. C’est ce qui semble expliquer comment le cercueil en question, à part son squelette, ne contenait rien autre, pas même le moindre ornement ni le moindre indice, qui pût nous permettre d’identifier le défunt personnage, ou tout au moins sa qualité.

« Quelques vases en terre, à flammules rouges et à panse trouée, contenant des débris de charbon et portant des traces de fumée, ont été rencontrés dans la terre, contre ce cercueil,

« À quelques pas de là, rue d’Ormesson, sur l’emplacement de l’aile sud du cloître, on a extrait de la tranchée de l’égout divers fragments lapidaires d’architecture et de sculpture, entre autres : quelques troncs de colonnettes avec leurs bases et un chapiteau du XIIIe siècle ; un petit motif délicatement fleuronné portant encore des traces de couleur bleue et de dorure provenant peut-être d’un retable et datant du XIVe siècle ; une base de colonne du XVe siècle ; un fragment d’inscription funéraire du XIIIe siècle ne portant que ces mots, en