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Pierrot infidèle

C’est l’ami Pierrot qui rentre au logis,
Harassé, suant, presque hors d’haleine.
Le blafard amant se soutient à peine :
Las ! le malheureux est tout à fait gris.
Il s’en est allé courir la chimère,
Et boire à longs traits le vin de lumière
Que la lune verse à tous ses galants.
Il est saoul d’amour et de poésie
Et les papillons de sa fantaisie
Montent vers Tanit en nuages blancs.


Lors, il s’aperçoit que la chambre est vide,
Embrasse les murs d’un coup d’œil rapide :
Le nid par l’amie est-il délaissé ?
Il jette un regard furtif sur la table
Et, pris d’un effroi sourd, épouvantable,
Saisit le billet qu’il y voit placé.
Il le lit, ses yeux s’emplissent de larmes,
Et sous le fardeau des neuves alarmes,
Son cœur d’amoureux est comme écrasé.
Colombine alors, quittant sa cachette,
S’approche à pas lents, timide et muette,
Du pâle Pierrot presque dégrisé.