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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

dant la nuit. II était défendu de communiquer, en aucun temps, les uns avec les autres, d’un côté à l’autre des logements, et nul ne pouvait aller aux lieux d’aisance, situés dans l’entrepont supérieur près de l’escalier, sans la permission de la sentinelle.

À huit heures, nous nous glissâmes dans les boîtes qui devaient nous servir de lits, quatre ensemble, ayant pour deux une couverture, déjà très-malpropre, et pour oreiller un petit coussin fort mal fait et bien dur.

Pour ma part, malgré tout ce qu’un pareil lit avait d’incommode et de répugnant, je dormis bien toute la nuit : il est vrai que j’étais rendu de fatigues et d’émotions, et que, de plus, le froid que j’avais enduré sur le bateau à vapeur m’avait engourdi au point que je ne sentais pas les aspérités de ma couche.

À la cloche de six heures, le lendemain matin, nous sortîmes de nos boîtes un peu meurtris, un peu asphyxiés et grandement indignés de la manière dont on en usait à notre égard. Un officier vint faire sa ronde pour constater notre présence dans le couloir, comme il l’avait fait la veille au soir, pour constater l’observance du règlement relatif au coucher.

À peine étions-nous hors de nos lits, que nous entendîmes le bruit des chaînes de la frégate, on levait les ancres, et bientôt le navire se mit en mouvement : le bruit de la vapeur nous fit comprendre que nous étions remorqués. Nous partions donc pour le grand et pénible voyage de l’exil ; nous quittions notre patrie,