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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

mier et Hindenlang, revinrent bientôt vers nous, et nous dirent en entrant dans le groupe ému que nous avions formé pour les recevoir : — « Réjouissez-vous, nous sommes les deux seules victimes choisies dans cette section ; mais il y en a trois autres, prises dans les autres parties de la prison, ce sont Rémi Narbonne, François Nicolas et Amable Daunais. »

Il y avait en ce moment, au milieu de nous, deux dames parentes de l’infortuné De Lorimier, sa sœur et sa cousine, accompagnées d’un monsieur de la famille : ces pauvres dames fondaient en larmes. La victime les consolait par des paroles angéliques, pleines de foi et de résignation. — « Mon sacrifice est fait, disait-il, et j’ai l’espoir d’aller voir mon Dieu ; une seule chose assombrit mes derniers moments, c’est la pensée du dénuement de ma femme et de mes enfants ; mais je les confie à la Divine Providence. »

Le pauvre Hindenlang, à qui sa religion n’inspirait pas les mêmes sentiments qu’à de Lorimier, était loin d’offrir, dans ses paroles et dans son maintien, un spectacle aussi digne et aussi consolant. Il était facile de voir que la pensée de la vie future agitait son âme ; ne sachant à quoi s’attacher pour envisager sans défaillance cette immense perspective, il en appelait à son courage personnel, très grand sans doute. Mais qu’il était facile de voir que cet appui n’est qu’un fragile roseau ! Pour s’étourdir et se donner une contenance, il affec-