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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

pour un chrétien. Comment pourrait-il en être autrement, pour celui qui nourrit son esprit et son cœur des magnifiques promesses faites à ceux à qui leur foi permet de dire : « J’ai espéré en vous, Seigneur, et je ne serai pas confondu. » Telles étaient mes pensées, et, j’en suis certain, celles de mes compagnons, entre les bras secourables de l’Église qui nous préparait au passage d’une vie de misère à une vie glorieuse, par les soins de ses ministres.

La communication qui nous avait été faite le soir par les bons prêtres, l’avait été individuellement et dans nos cachots ; le lendemain matin à dix heures, heure de notre réunion dans le corridor, ce fut une scène touchante que celle de notre entrevue : ceux qui se croyaient maintenant exempts de l’échafaud se montraient plus affligés que nous qui nous attendions à mourir bientôt. N’eût été la pensée des êtres chéris que les condamnés laissaient sur la terre, je crois vraiment qu’il y aurait eu une véritable joie tranquille à se sentir ainsi sur le bord du tombeau et sur le seuil de l’éternité.

Des amis vinrent nous rendre visite, et nous dire qu’il était bruit que les exécutions devaient avoir lieu le vendredi suivant au matin, nous étions alors au mercredi ; mais nous n’avions encore reçu aucune notification officielle sur notre sort. Nous étions tous des condamnés à mort, les moments de notre existence appartenaient au bon plaisir de Sir John Colborne, voilà tout ce que nous savions.