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notes d’un condamné politique.

Le propriétaire vint à la porte et me demanda mon nom que je lui déclinai : la porte s’ouvrit pour me recevoir.

En apprenant qui j’étais, la femme de mon hôte laissa échapper une exclamation involontaire de crainte : — Mon Dieu ! qu’allons-nous devenir !… J’étais un objet de terreur parmi les miens ! Le brave cultivateur s’écria de suite : — Il arrivera ce qu’il plaira à Dieu, mais nous ne le laisserons certainement pas mourir faute de secours. — Sa femme se mit de suite à me préparer à manger.

Après le repas, on m’offrit à me reposer ; — Mais, dis-je à mes généreux compatriotes, ma présence vous compromet, et je ne voudrais pour rien au monde être la cause pour vous d’un malheur.

— Nous allons veiller, me répondit M. Hurtubise (c’était le nom de mon hôte), afin qu’il n’arrive rien de fâcheux ni à vous ni à nous.

Je dormis cette nuit dans un bon lit, préparé avec le soin que mettent à ce qu’elles font nos bonnes ménagères canadiennes, et à trois heures du matin je me remis en chemin pour gagner le voisinage du fleuve. Je m’installai dans le fenil d’une grange où je demeurai près de deux jours caché, sans oser laisser soupçonner ma présence. Le second jour, pressé par la faim, je me présentai à un homme que je connaissais, serviteur chez le propriétaire de la grange dans laquelle j’avais cherché asile.

J’apparus à ce pauvre homme comme une