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notes d’un condamné politique.

samedi soir vers minuit jusqu’au lever du soleil le lundi.

Le pauvre mais brave colon m’apprit, qu’un M. Brown, magistrat, me faisait chercher et qu’on menaçait de l’emprisonnement et de l’incendie de leurs propriétés tous ceux qui me donneraient asile.

La maison ou plutôt la cabane du colon, car il commençait alors son établissement, était à un peu moins d’une lieue de l’endroit où nous étions ; comme je ne voulais pas l’exposer, lui père d’une jeune famille dépendant exclusivement de son travail pour vivre, je lui demandai de vouloir bien avoir la bonté de m’aller chercher quelque chose à manger ; je n’avais rien pris depuis près de trois jours. Il partit, et revint au bout d’environ deux heures, avec une bouteille de café à l’orge et au lait, et du pain.

S’apercevant alors combien j’étais épuisé, et prenant connaissance de l’état de mes habits et surtout de ma chaussure, le digne homme insista pour que je le suivisse à sa cabane, pour me faire sécher, me réchauffer et dormir. — Je ferai la garde autour de ma maison, dit-il, et je vous promets que personne n’y arrivera sans que vous soyez averti à temps.

Je me rendis à l’invitation de mon excellent compatriote. Après avoir dépouillé mes habits de dessus et mes chaussures, dont la brave femme de ce brave homme prit de suite le plus grand soin, je me jetai sur une robe de buffle près d’un poêle bien chauffé, et je m’endormis.