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notes d’un condamné politique.

cher, eurent, au moment où je me vis de nouveau seul sur la grande route dans l’obscurité de la nuit, un tel effet que je me sentis tout à fait incapable de continuer mon chemin ; je tombais d’épuisement et je me sentais la tête tourner comme dans un tourbillon.

Je me dirigeai vers une grange et, me servant d’une échelle que je rejetai à sa place après être monté, je gagnai le fenil, où, me creusant un lit dans le foin, je m’installai de mon mieux et m’endormis aussitôt d’un lourd sommeil.

Quand je m’éveillai le soleil allait se lever, mais je ne savais nullement combien de temps j’avais dormi ; je pouvais difficilement me rendre compte de ma position, et j’étais tellement engourdi qu’à peine pouvais-je me remuer ; j’employai au moins une demi heure à m’essayer au mouvement et à recueillir mes idées ; puis, n’ayant pas d’autre moyen de descendre, je sautai d’une hauteur d’environ douze pieds sur le sol gelé. Je me relevai tout meurtri et commençai à grande’peine à marcher, me dirigeant vers un petit bois qui séparait les terres de la seconde concession de celles de la concession du fleuve.

Je traversai ce petit bois et les défrichements de la seconde concession, pour atteindre une forêt de plusieurs lieues, dans la direction de la frontière. Toute la journée je marchai dans cette forêt, traversant quelquefois des flaques d’eau dont la glace se brisait sous mes pieds : sans boussole et sans expérience des bois. Le soir je m’arrêtai dans une cabane à sucre où je passai