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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

tueux soufflant du Sud-Est nous conduisit en quatre ou cinq jours dans les parages des Îles Malouines. Là, nous fûmes, paraît-il, dans un danger imminent. Le vent nous poussait vers la côte, et pendant presque toute une journée nous longeâmes la terre d’une de ces îles, ayant toutes les peines du monde à ne pas laisser affaler le navire sur les rochers que nous apercevions du haut du pont. Enfin, vers le soir, le vent s’apaisa un peu, puis prit une direction plus favorable, et nous pûmes, élevant notre course, nous éloigner de ce dangereux voisinage. Le lendemain, la brise était tout-à-fait propice et nous faisions bonne route, courant Nord-Est à toute vitesse.

Il y avait dix jours que nous avions échappé aux dangers des récifs des îles Malouines, le navire était courbé sous les efforts d’un gros vent et la mer battait avec fureur sa mince muraille : il était quatre heures de l’après-midi et nous étions à table, un bruit se fit sur le pont, puis nous entendîmes donner l’ordre de mettre en panne. L’instant d’après le navire subissait une évolution, accompagnée d’une pièce de mer qui le fit trembler dans toute sa charpente.

L’ordre de mettre en panne avait été donné par le troisième officier du bord, alors en charge du navire ; le capitaine et le second officier, à table avec nous, s’étaient élancés, en culbutant tout, vers le banc de quart, pour connaître la cause d’une manœuvre aussi inattendue et prendre la direction des choses. Ils furent suivis