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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

me parlait pas de mes parents et surtout de ma mère, nous étions dans les parages de la Nouvelle-Zélande. Là nous éprouvâmes quelques jours de vents contraires accompagnés de bourrasques ; mais bientôt le bon vent nous revint et nous reprîmes notre course rapide vers les régions froides et humides du cap Horn.

Arrivés à la hauteur du cap Horn, nous fûmes saisis par un calme plat qui dura une semaine entière. Le spectacle qui nous entourait était d’une tristesse grandiose, et le calme semblait porter avec lui des terreurs que n’offrent point les tempêtes. Il faisait froid, très froid ; le navire était entouré d’immenses glaces flottantes ; le ciel était sombre au point de nécessiter l’usage des lumières en plein jour ; d’épais nuages s’étendaient comme de lugubres voiles de pleureuses, et semblaient descendre jusqu’au bout des mâts de notre navire ; le brouillard mouillait le pont et les cordages, et cette eau gelait en croûte sur le pont et pendait en cristaux aux manœuvres. Le calme, qui nous retenait, semblait en un mot porter la tourmente en son sein.

À l’expiration de cette semaine de calme, un violent vent de Nord-Ouest s’éleva, à la faveur duquel nous doublâmes le cap ; mais en nous dirigeant vers le sud, jusqu’aux environs d’une petite île, appelée, je crois, l’Île Royale, où nous rencontrâmes encore le calme qui, cette fois, ne dura qu’une journée.

Dans la nuit du même jour, un vent impé-