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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

navire glissait avec majesté sur les ondes, se dirigeant vers la sortie du havre.

Que j’avais de plaisir à voir s’éloigner les côtes de la Nouvelle-Galles du Sud, et n’eût été la tristesse causée par la pensée de mes pauvres compagnons restés à Sydney, je crois que j’eusse, en ce moment, été aussi heureux qu’on peut l’être en ce monde. Il me semblait que déjà j’étais prêt d’arriver au pays. Il me semblait entendre mes parents se dire : — Enfin, le voilà qui arrive ! et se demander : — L’exil l’a-t-il bien changé ? Je me voyais déjà au foyer domestique, entouré de parents et d’amis à qui je faisais le récit de nos longues souffrances. Déjà, je voyais toutes mes connaissances m’entourer, le dimanche, sur le perron de l’église, à la sortie de la messe paroissiale. Ô image de la patrie, que je t’ai contemplée, de tous les degrés de laititude et de longitude qui séparent le Canada des terres australes !

Nous fûmes favorisés pendant plusieurs jours d’un vent en poupe accompagné de beau temps ; nous filions, filions, le plus agréablement du monde, gouvernant pour le cap Horn. Je suivais, par conséquent, une route tout-à-fait différente de celle par laquelle nous étions venus à Sydney, à bord du Buffalo, et sur laquelle nous avions doublé le cap de Bonne-Espérance.

Après deux semaines d’une navigation des plus heureuses, pendant laquelle M. Mesnier et moi parlions sans cesse de la Vieille et de la Nouvelle France, quand madame Mesnier ne