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XXV

LE VOYAGE DE RETOUR.


Le dimanche gras du mois de février 1846, dans la matinée, après avoir pris congé les jours précédents des charitables personnes à qui je devais des obligations et dont j’ai parlé dans le cours de ce récit, je m’embarquais, en compagnie de M. Mesnier, mon bienfaiteur, de madame Mesnier, sa digne compagne, et d’un assez bon nombre d’autres passagers, sur le Saint-George, en destination d’Angleterre.

Plusieurs, des treize exilés canadiens qui restaient après moi sur la terre d’exil, avaient pu venir m’accompagner sur le quai : ils me serrèrent les mains en me souhaitant un heureux retour au pays. Ils étaient émus, et moi je pleurais, en leur disant : — « Courage mes amis, courage, votre tour viendra ! » Quelques-uns de mes compagnons de passage, presque tous gens qui abandonnaient la colonie à la suite de tentatives avortées de fortune, partageaient notre émotion, d’autres faisaient des mines à mériter de rester à la place de mes braves compagnons.

Le Saint-George leva l’ancre à onze heures et, voiles déployées, commença sa longue course de milliers de milles à travers les eaux puissantes de l’abîme. Il faisait un temps magnifique, une légère brise enflait nos voiles et le noble