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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

gner ainsi leur retour en Europe, pour engager le capitaine à ne prendre que des hommes déjà faits à l’eau salée.

Quant à moi, en particulier, sauf l’exil et la nostalgie qu’il me causait, j’étais au mieux dans la maison de mon généreux patron. Aux bons soins matériels de l’aisance, s’ajoutaient pour moi les soins plus précieux encore de la sympathie la plus cordiale et de l’amitié la plus délicate et la plus désintéressée : j’en étais quelquefois même confus, tant j’avais peur d’abuser, par quelqu’indiscrétion, d’une hospitalité si libérale et si distinguée.

Sur la fin de Janvier 1846, c’est-à-dire environ dix-huit mois après les premiers départs de Canadiens exilés pour le Canada, mon excellent patron termina ses affaires : tout était liquidé, il avait terminé la vente du reste de ses marchandises et avait réalisé tout son avoir, non pas, cependant, sans de grands sacrifices ; mais il avait presqu’autant de hâte de laisser les terres australes que moi-même.

Il se mit alors, et je l’accompagnais et l’aidais comme bien on peut l’imaginer, en quête d’un navire en partance. Il y en avait plusieurs qui s’annonçaient pour le mois de Février ; nous les visitâmes tous, et, après informations prises sur les qualités de mer de tous, nous choisîmes comme le plus confortable et le plus fin voilier le navire le Saint-Georges, commandé par un capitaine Jones. Je n’ai pas besoin de dire que le Saint-Georges n’avait pas la moindre ressem-