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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

des moyens tout-à-fait insuffisants, et j’étais de cette dernière catégorie.

Il nous fallut, M. Thibert qui partait et moi qui restais, liquider les affaires de notre petit commerce. Ce négoce nous avait fait vivre comparativement assez bien ; de plus il avait permis à mon associé de ne point entamer ses épargnes faites dans l’exploitation du bois et d’autres petites industries, et mises à part pour son retour : il m’avait donné, à moi, les moyens de remonter ma garde-robe ; mais en dehors de cela, nos petites dettes payées, il ne restait à la société que ses édifices et son four, dont personne n’avait besoin et qui ne valaient pas la peine d’être mis en vente.

Je me retrouvai donc sur le pavé de Sydney, en quête encore d’une situation. J’ai déjà dit qu’à mesure que les Canadiens étaient connus et que disparaissaient, par conséquent, les effets des calomnies de la presse et de l’antipathie créée par les préjugés de race et de religion si enracinés chez ces populations, nous obtenions beaucoup plus facilement de l’emploi. À l’époque dont je parle, nous commencions même à devenir l’objet de préférences marquées ; aussi n’eus-je aucune difficulté cette fois à trouver à me placer, et dans une condition et avec un salaire bien supérieurs à tout ce à quoi j’aurais osé prétendre auparavant. J’entrai, comme commis dans un des principaux magasins de marchandises sèches de Sydney.

Dans le même temps, trente-huit de mes com-