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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

À mon arrivée au logis, je fis part à mon associé de la confirmation de la nouvelle qu’il attendait avec grande hâte. Aussi content que moi du bonheur de nos deux camarades de malheur, il était infiniment plus désolé que moi de la différence de sort qui nous frappait : c’était tout naturel, il était époux et père d’une jeune famille qui pleurait son absence.

Un mois après, le paquet, qui tous les mois apportait la malle d’Angleterre, apporta cette fois le pardon de plus de la moitié des exilés canadiens, au nombre desquels se trouvait mon associé. Cette nouvelle nous combla tous de joie ; car c’était chose certaine pour les uns et c’était espoir pour les autres. Le lecteur sait que cet espoir ne fut trompé pour aucun de nous.

Rien, je le pense sincèrement, rien de terrestre n’eût pu nous engager à rester loin de notre pays ; ni la fortune, ni les honneurs. Nous avions faim et soif du pays natal, nous brûlions du désir de revenir au Canada, pour revoir nos familles, nos amis, pour revoir nos belles campagnes, pour saluer les cloches de nos paroisses, pour parler français et contempler le spectacle de nos bonnes mœurs canadiennes-françaises.

Le plus grand nombre des exilés canadiens, avaient heureusement pu, malgré la dureté des temps, ramasser un pécule suffisant pour subvenir aux frais du retour, et mon associé était de ce nombre ; mais, malheureusement, les autres n’avaient aucun moyen quelconque, ou