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XXIII

LES PREMIERS PARDONS ET LES PREMIERS RETOURS.


Il y avait près d’un an que nous habitions Irish-town, lorsqu’arriva la nouvelle que deux de nos compagnons d’exil, MM. Charles Huot et Louis Pinsonneault, avaient été graciés. C’était tout un événement pour les exilés canadiens, tous épars dans Sydney et ses environs : c’était, pour chacun de nous, le présage et un avant-goût de la fin de son exil, un commencement d’accomplissement des vœux et des promesses de nos amis du Canada, et de la prédiction du brave officier que nous avions rencontré à Hobart-town.

En apprenant cette nouvelle, je partis aussitôt pour aller voir mon vieil ami, M. Huot, afin d’être plus certain de l’exactitude du rapport qu’on nous avait fait. M. Huot demeurait dans le voisinage immédiat de Sydney ; il était chez lui, et il me montra le parchemin qu’il avait reçu. Je tins longtemps dans mes mains cette pièce, et je relus plusieurs fois cette formule qui rend la liberté aux condamnés.

La joie que causait à M. Huot ce pardon tant désiré était singulièrement tempérée, dans le moment, par une tristesse dont je n’eus pas de peine à deviner la cause. Mon respectable ami n’avait pas les moyens suffisants pour profiter de ce pardon et payer les frais de son retour au