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XXII

SUCCESSIVEMENT GARÇON DE FERME ET PETIT MARCHAND.


Je me vis donc pour la cinquième fois obligé de chercher une situation. J’étais connu de tout le monde sur la route de Sydney, j’arrêtai dans presque tous les établissements, le sac sur le dos et le bâton à la main, pour demander de l’emploi. On me reçut partout avec politesse ; mais la réponse invariable était qu’on avait autant de monde qu’on pouvait en payer.

Je ferai remarquer ici que l’opinion publique, si on peut donner le nom d’opinion aux préventions et aux idées saugrenues et mal fondées qu’on impose si souvent au public, l’opinion publique avait subi un revirement complet à l’égard des exilés canadiens, et voilà comment nous pouvions, malgré l’extrême dureté des temps, trouver de l’emploi, tandis que le gouvernement était obligé de loger et de nourrir des centaines d’immigrants, et que grand nombre de condamnés retournaient forcément aux établissements pénitentiaires.

Je savais que mon ami et ancien associé dans l’exploitation du bois de lattes, M. Ducharme, était employé sur les terres en défrichement d’un des hommes les plus à l’aise de Sydney. Ce citoyen était boucher, il avait amassé du bien dans le cours des années de prospérité de la co-