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notes d’un condamné politique.

et le dimanche se passa, comme tous les autres que nous avons passés dans le bois, à partager notre temps entre la prière, la lecture et les conversations sur la patrie absente.

Le lundi nous repartîmes pour Sydney, par le plus beau temps du monde. Notre cargaison, pour avoir bu l’eau de la rivière Paramata, subit une baisse de douze sous par mille, à laquelle il fallut bien se soumettre dans la vente que nous en fîmes le même jour. Le produit de notre cargaison nous mit en état de payer toutes nos redevances et d’acheter des provisions pour seize à dix-huit jours ; mais nous ne pûmes faire d’autres emplettes que celle de deux pantalons de bouragan, un pour mon associé, l’autre pour moi.

Ainsi donc notre travail, si dur qu’il fût, suffisait à nous nourrir, et voilà tout. Bientôt mon associé fut presque sans habits et ma garde-robe ne valait guère mieux que la sienne : cependant, je pouvais encore me montrer à Sydney dans mes hardes, tandis qu’il y eut un temps où mon pauvre associé, lui, était obligé d’emprunter de nos camarades, dont le travail était plus lucratif, certains articles d’habillement, entre autres une chemise ; car, en toilette de chantier, il n’avait qu’un justaucorps de laine et pour tout chapeau un petit bonnet de laine rouge. Il ne faut pas demander si notre peau se bronzait, exposés, comme nous l’étions, aux ardeurs du soleil australien.