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notes d’un condamné politique.

notre faveur, un de ces vents chauds qui, dans cet endroit, sont invariablement, le même jour, remplacés par de gros vents froids venant du sud. Nous faisions force de rames, pour arriver au quai de Sydney avant le retour du vent du Sud.

Déjà nous voyions s’agiter les arbres, se soulever la poussière des routes, déjà nous sentions se refroidir l’atmosphère sous l’effet des premières bouffées de ce vent malencontreux ; mais nous n’étions plus qu’à quelques arpents du débarcadère : nous redoublions d’efforts, la sueur nous inondait ! Peines inutiles, voilà le vent sur nous, nous reculons. Force nous fut alors de virer de bord et de nous laisser remonter vers le lieu d’où nous étions partis ; mais, cette fois-ci, sans ramer : nous n’avions qu’à gouverner notre embarcation qui, chargée par-dessus les bords, offrait au vent beaucoup de prise.

C’était encore une journée de perdue et de nouveaux risques à courir. Nous regagnâmes le port d’embarquement, où nous jetâmes l’ancre à sept heures du soir, le samedi. Nous reprîmes donc assez tristes le chemin de la cabane ; car nous n’avions plus de provisions. Depuis plusieurs jours déjà nos camarades nous nourrissaient ; et nous avions bien compté ne revenir que le lundi, mais avec suffisamment d’approvisionnements pour rendre ce que nous leur devions et nous nourrir pendant une autre quinzaine au moins. Nous n’en fûmes cependant pas plus mal reçus pour ne rien apporter,