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notes d’un condamné politique.

roche, sur laquelle elle chavira à marée basse, déchargeant dans la rivière la plus grande partie de sa cargaison.

Quels ne furent pas notre étonnement et notre désespoir en apercevant, à notre arrivée sur la rive, notre barge à moitié pleine d’eau et notre chargement épars sur la rivière : mon compagnon, surtout, en fut atterré ; mais il fallut en prendre son parti et tâcher de retirer du naufrage le plus possible des épaves de notre petit avoir.

Après avoir vidé la barge de l’eau qu’elle contenait, nous nous mîmes à recueillir, avec deux petites chaloupes qui se trouvaient là, nos lattes que le flot avait fait voyager toute la nuit. Heureusement que ces lattes étaient réunies par paquets, de cent lattes chacun, et qu’au moment de notre arrivée la marée, qui achevait de monter, avait presque tout ramené au point de départ du baissant précédent. En somme, nous en fûmes quittes pour la perte de notre temps et de quelques centaines de lattes ; mais c’était déjà quelque chose pour nous, sans compter la fatigue et l’ennui de ce labeur inattendu. Après avoir employé les heures favorables de la marée à recueillir nos lattes, nous nous occupâmes à les recharger dans la barge : ces diverses opérations ne furent terminées que le soir. Nous mîmes alors la barge en lieu sûr pour la nuit.

Le lendemain matin, de bonne heure, nous ramions du côté de Sydney, ayant contre nous le courant du montant. Il soufflait alors, en