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notes d’un condamné politique.

Dès les premiers jours, nous eûmes les mains pleines d’ampoules et les membres endoloris de fatigue.

Au bout de huit jours de travail, il nous fallut aller à Sydney pour nous procurer des provisions. Nous fîmes, là, rencontre des trois principaux officiers d’un navire baleinier français du port de Brest ; ils revenaient d’une course de pêche à la baleine, faite dans les régions de l’extrême sud du Pacifique. Nous parlâmes ensemble de la Vieille et de la Nouvelle-France ; puis nous leur fîmes, à leurs vives instances, le récit de nos luttes et de nos malheurs.

Pris d’une ardente sympathie pour nous, et mus par ce sentiment si singulièrement français, le dévouement, ils nous offrirent de suite de nous dérober à l’exil, en nous prenant à leur bord. Nous les remerciâmes chaudement de leur offre généreuse, mais nous leur répondîmes que la chose était à peu près impossible ; et nous leur fîmes connaître les sérieuses conséquences qui pouvaient en résulter pour eux ; car les lois portées contre les capitaines, officiers et marins d’un navire qui donnerait asile à un condamné sont d’une sévérité extrême. La peine personnelle est une amende de £500 sterling ou la prison, et, dans le cas où le capitaine ou les propriétaires du bâtiment seraient les auteurs de la tentative, alors la peine portée est la confiscation du navire.

Dans ce cas, dit un des officiers, le médecin du baleinier, j’en fais mon affaire : si nous