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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

zèle pour leurs intérêts. En partant, mon jeune maître recommanda au chef de culture de me bien traiter et aux ouvriers loués de me respecter.

Je fus aussi surpris qu’enchanté d’un procédé si délicat et si généreux ; je m’y attendais d’autant moins que de pareils sentiments étaient peu dans les habitudes de la population de cette colonie, à cette époque du moins, et que certains journaux, comme je l’ai déjà dit, avaient débité sur notre compte les calomnies les plus infâmes. Cependant, à cette période de notre captivité, les préjugés soulevés contre nous commençaient à s’éteindre, grâce à l’influence du clergé catholique et d’hommes équitables, comme M. le capitaine McLean et mon nouveau maître, et grâce un peu aussi à notre bonne conduite.

Aussitôt après le départ du fils de mon propriétaire, je m’armai d’une pioche et je me rendis auprès du jardinier : c’était au temps des sarclages et des renchaussages. Comme fils de cultivateur, je n’étais pas tout-à-fait étranger à ces travaux : je pus donc m’acquitter de ma besogne à la satisfaction de mon chef de culture, qui me fit des compliments de mon travail.

Le lendemain, je fus le premier rendu à l’ouvrage ; car j’étais déterminé à ne me laisser devancer par personne. Je me mis bientôt au fait de la culture et des travaux de défrichements, et tout allait au mieux dans notre établissement. L’excellent propriétaire venait quelquefois visiter son nouveau domaine, il y venait quelque-