Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.
172
notes d’un condamné politique.

système de colonisation. On se mit à vendre les terres à l’encan, au lieu de les donner, et on employa le produit de ces ventes à donner des passages gratuits à tous ceux qui se présentaient pour émigrer.

Ce système, dénué de toute prévoyance et de tout esprit de charité, produisit naturellement des effets désastreux. Une rage de spéculation s’empara des anciens colons déjà en possession de quelques capitaux : on fit monter les terres à des prix qui n’étaient nullement en rapport avec les conditions d’exploitation et de marchés. Non-seulement on épuisa ainsi tout le capital du pays, non-seulement on escompta le capital à venir, mais on monta des compagnies, qui, au moyen de quelques capitaux réels obtenus d’Angleterre et des capitaux fictifs souscrits sur place, firent d’immenses achats de terrains, et des dettes proportionnellement plus considérables encore.

Pendant que ceci se passait dans les opérations de finances, les flots d’une immigration pauvre et misérable inondaient la colonie. Il n’y avait pas d’ouvrage, chez les anciens colons, pour toute cette population ainsi subitement transplantée dans un monde tout nouveau pour elle : ces nouveaux immigrants, de leur côté, n’avaient aucun moyen d’acheter les terres, aux prix fous que la spéculation y avait établis. Tout le capital flottant avait été absorbé par l’achat des terres, et, au lieu de circuler dans la colonie, était passé tout entier dans les mains