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notes d’un condamné politique.

son maître au gouvernement pour cause de difficultés, était renvoyé dans un établissement pénal pour y travailler pour le compte du gouvernement, jusqu’à ce qu’on pût lui trouver un nouveau maître ; mais il ajouta qu’il n’en agirait pas ainsi envers moi, qu’il savait faire la différence entre les exilés politiques canadiens et les condamnés pour crimes, et que, bien qu’il fût tenu, par les devoirs de sa charge, à nous compter parmi les condamnés, il aimait à reconnaître que nos condamnations n’affectaient en rien notre caractère de gentilshommes.

Usant alors de la latitude qui lui était donnée par les réglements qui définissaient les devoirs et les attributions de sa charge, il me donna un permis écrit et signé de sa main, par lequel j’acquérais le droit de chercher moi-même une situation dans les limites de la ville de Sydney. Je lui exprimai, de mon mieux, ma reconnaissance, et il m’invita, avec bonté et une exquise politesse, à l’aller voir, de temps à autre, à son bureau, pour lui donner des nouvelles du succès de mes démarches.

Il serait difficile d’exprimer la joie dont j’étais rempli, en sortant du bureau de ce digne homme, mon passeport dans ma poche et le cœur plein d’espérance. Enfin je venais de recouvrer en partie la liberté, il me semblait que j’avais grandi de six pouces : je bénissais mon bienfaiteur dont je mettais le bonheur présent et futur sous la protection de tous les saints du paradis.