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notes d’un condamné politique.

Le chef était un ancien officier de l’armée, qu’on appelait le capitaine McLean : je lui dis que j’étais un des exilés canadiens, et j’allais lui raconter mon histoire, dans mon très-mauvais anglais, lorsqu’il me dit, avec politesse et des signes marqués de sympathie, en me parlant bon français, que je pouvais me servir de ma langue maternelle, pour lui expliquer mon affaire.

J’eus avec ce gentilhomme une longue conversation qui fut pour moi un véritable rafraîchissement moral, si je puis m’exprimer ainsi. J’avais été, depuis quelques années, si souvent froissé dans mes sentiments et ma dignité d’homme, que je ne me sentais pas d’aise de me trouver en face d’un homme de bonne éducation, chez qui le cœur et l’intelligence étaient au niveau de la position. Cet entretien me réconciliait un peu avec mon entourage et me remplissait d’espoir pour l’avenir. Je suis heureux d’offrir aux bénédictions de ceux qui liront ces lignes le nom de M. le capitaine McLean.

J’avais raconté à mon excellent interlocuteur la transaction par laquelle notre premier maître, le Français de Maurice, nous avait sous-loués aux confiseurs, comment nous avions servi ces derniers avec zèle, fidélité et obéissance, jusqu’au moment où l’Allemand avait voulu me forcer à travailler le dimanche.

Après m’avoir écouté avec bonté, M. le capitaine McLean me fit observer que, d’après la pratique ordinaire, le condamné loué, remis par