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notes d’un condamné politique.

titudes pour la cuisine, encore moins pour la confiserie : conséquemment, fouetter des œufs, brasser des crèmes, écraser des sucres et récurer des casseroles étaient pour moi des occupations peu attrayantes ; mais, enfin, j’étais esclave et j’obéissais : je puis même me rendre cette justice que toujours j’ai fait de mon mieux, dans l’intérêt de mes maîtres et du public qu’ils servaient.

Cependant, malgré le mal qu’ils se donnaient et malgré nos efforts pour les bien servir, les affaires n’allaient pas aussi bien qu’on s’y était attendu, et notre Allemand surtout n’en devenait pas plus charmant. Depuis un mois que j’étais avec ces maîtres, tous les dimanches j’avais pu aller sans molestation à la messe avec M. Bourdon : le premier dimanche qui suivit notre séparation, causée par la différence de besogne, il n’en fut pas ainsi. Comme je me préparais à sortir avec mon compagnon, l’Allemand vint me signifier qu’il avait besoin de moi pour travailler à l’atelier, me disant, dans son abominable français, qu’il ne connaissait, lui, ni fêtes ni dimanches, qu’il travaillait tous les jours éclairés par le soleil, et qu’il entendait que j’en fisse autant. Je lui répondis que j’étais prêt à lui obéir en tout ce qui était légitime et permis par la conscience ; mais que je ne travaillerais pas le dimanche. J’ajoutai que le dimanche était réservé au repos par les règlements, et que, devant les hommes mêmes, il n’avait pas le droit de me forcer à travailler ce