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XVII

COMMENT JE DEVINS CONFISEUR.


Je fus, pour ma part, d’abord loué à un Français natif de l’Île Maurice. Il ne m’avait pas loué seul ; nous étions deux : mon compagnon d’esclavage était M. Louis Bourdon. Notre nouveau maître ne faisait pas partie de la crème de la population de l’Île Maurice, il était facile de s’en apercevoir à son langage et à ses manières. Il nous avait loués dans le but ostensible de nous employer à son comptoir ; mais réellement avec l’intention de spéculer sur notre engagement ; car, à peine s’était-il écoulé quelques jours, qu’il nous sous-loua à profit à deux associés, un Français et un Allemand, récemment arrivés à Sydney avec l’intention d’y ouvrir une boutique de confiseurs.

La boutique n’était point encore montée. Pendant trois semaines nous travaillâmes avec nos maîtres, dans un hangar où nous couchions, à confectionner des sirops, des pâtes sucrées et d’autres articles qui devaient orner les tablettes du futur magasin de bonbons, et faire les délices des palais sydnésiens. C’était pour nous quelque chose de nouveau que pareille occupation : j’espère que les pratiques de nos maîtres ont trouvé nos sirops délicieux ; dans tous les cas, nous avons fait de notre mieux, et nous ne