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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

pour quelques jours de souffrances, pendant lesquels il demeura cloué à son grabat.

Il y avait vingt mois que nous étions à Long Bottom, lorsque l’ordre vint de nous louer à des habitants du pays, selon l’usage des colonies pénales de l’Australie.

Les forçats, auxquels nous étions de tout point assimilés, en arrivant dans ces colonies de déportation, sont d’abord employés pour le compte du gouvernement à des travaux publics, comme on vient de le voir pour nous. Ce n’est, ordinairement, qu’après une couple d’années de ce travail que ces malheureux passent à une nouvelle phase de leur vie de déportation ; alors on les assigne, c’est la traduction du mot anglais dont on se sert, à des habitants du pays auxquels leur travail appartient, moyennant la nourriture et de légers gages. De ce moment le condamné cesse d’être à la charge du gouvernement, mais il reste sous la surveillance de la police, ayant pour prison la propriété de son maître, ou le circuit désigné dans l’acte de louage. Par la suite, le condamné qui ne s’est pas mis en contravention avec la justice est admis à travailler pour lui-même ; puis, enfin, il obtient sa liberté, et devient citoyen de ces colonies australes.

De cette sorte, il arrive très souvent qu’un forçat se trouve assigné à un ancien forçat devenu propriétaire, quelquefois fort enrichi, quelquefois occupant des charges publiques plus ou moins importantes, et quelquefois un des citoyens les plus respectables du pays.