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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

l’hôpital à quelques semaines d’intervalle. Aussi longtemps que cela avait été possible, le Dr Newcombe avait prodigué ses soins à ces deux malheureux camarades ; mais sa pharmacie ne contenant que quelques purgatifs, et notre régime alimentaire ne permettant aucun changement de diète, force fut bien de nous séparer de nos pauvres amis. L’hôpital, comme je l’ai dit, était à huit milles de notre établissement, c’est-à-dire dans les limites de Sydney ; c’était un hôpital destiné aux forçats (convicts).

Nos deux infortunés compagnons furent transportés à Sydney sur de la paille, dans un tombereau traîné par un bœuf. Nous les déposâmes aussi doucement que possible dans cette dure voiture, et chacun de nous leur donna un serrement de main accompagné de larmes ; car nous sentions que cet adieu était le dernier. En effet, ils ne relevèrent pas de leurs maladies ; tous deux sont morts sur la terre étrangère. Chèvrefils ne survécut, je crois, que cinq jours à son déplacement, et Dumouchel environ quinze jours. Ce qui nous consola fut la conviction dans laquelle nous étions qu’ils échappaient, à la fois, aux deux exils qu’ils subissaient ensemble, pour aller jouir des délices de la patrie céleste, dont nul ne peut nous priver.

Nous craignîmes, un peu plus tard, d’avoir encore à nous séparer d’un autre compagnon, qui fut soudainement pris d’atroces douleurs intestinales, après avoir mangé d’un morceau de bœuf gâté de nos rations ; mais il en fut quitte