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XV

UNE AVENTURE ET SES SUITES.


Cependant, une singulière circonstance vint changer, à notre égard, les dispositions de notre surintendant. À dater de ce moment, son mauvais vouloir fit place à la confiance. Voici comment la chose eut lieu et cela vaut la peine d’être raconté.

Comme je l’ai déjà dit, notre garde se composait d’une escouade de police et d’une escouade de soldats : plusieurs de ces hommes étaient mariés, et notre surintendant était un célibataire, se respectant aussi peu qu’il était peu respectable. Un soir donc que le surintendant et ses hommes s’étaient réunis dans un des appartements où résidaient des hommes de police avec leurs familles, pour boire et s’amuser, il arriva que le digne chef et ses dignes subordonnés s’enivrèrent au point de ne plus distinguer les rangs et les grades. Le surintendant s’étant oublié jusqu’à en venir à insulter publiquement la femme d’un des hommes de police, le mari de celle-ci tomba bel et bien sur son capitaine et lui administra une volée de coups de poing qui ramenèrent, de suite, celui-ci au sentiment de son autorité ; alors il ordonna à ses subalternes de s’emparer de l’assaillant et de le mener au cachot, cellule sombre faite pour les prisonniers en punition.