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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

ces pauvres malheureux était extrême ; malgré nos misères nous reconnaissions qu’ils étaient encore plus malheureux que nous : puis, nous trouvions dans notre foi des ressources et des consolations qui manquaient à la plupart d’entre eux.

Il y avait parmi nous, je parle des cent quarante-quatre, des hommes plus faibles que les autres, entre autres un vieillard de plus de soixante ans malade de la poitrine ; dire ce que ces gens et surtout ce vieillard ont eu à souffrir serait une tâche impossible ; cent fois nous crûmes le pauvre vieillard sur le point de rendre son âme à son Créateur. Quelle perspective pour des catholiques que celle de mourir ainsi sans le secours d’un prêtre ! « — Mais le Dieu de toute bonté entend nos soupirs, nous disions-nous, Il est témoin de nos désirs et Il acceptera notre sacrifice en nous donnant les grâces nécessaires pour suppléer à l’absence de son ministre, si nous avons à périr dans ce vaisseau. »

Parmi nos malades, je ferai mention spéciale de mon ami, le notaire Hypolite Lanctôt, établi aujourd’hui à Laprairie, à cause de l’étroite amitié qui nous a toujours liés pendant notre exil, et qui ne s’est jamais démentie depuis. M. Lanctôt faisait partie, comme je l’ai dit plus haut, de la même division que moi et j’ai pu être témoin de ses souffrances pendant tout le voyage ; elles furent extrêmes. Que de fois je l’ai cru sur le point d’y succomber, alors